La peur des attentats : la gérer
La peur des attentats est réelle et il ne faut pas la nier.
A l’heure où la France a encore été touchée par la folie à Nice, je voulais partager avec vous l’article qui suit, publié sur « lavie.fr » au moment des événements du 13 novembre 2015 à Paris.
Sur le plan psychologique, avoir peur est une émotion normale….si la peur devient paralysante ou obsédante, il faut consulter.
Comment vivre dans une situation nouvelle où les actes terroristes risquent de ne plus être exceptionnels ? Quelques pistes de réflexion avec un sociologue.
Comment traverser la peur quand le mot guerre est prononcé par le président de la République ? Comment surmonter les attentats lorsque, sans faire partie des victimes, on se sent touché ? Quelques repères pour penser cette situation avec le sociologue Alain Mergier.
Que faire de notre peur ?
Via l’information en continu, nous sommes pris dans la temporalité des événements vécus en direct. De ce fait, nous vivons en contact permanent avec l’horreur, avec la monstruosité, mais nous nous y habituons malgré tout. Je rapprocherais cela de ce que le sociologue allemand Georg Simmel explique sur la vie en milieu urbain, qui se caractérise par une intensification des stimuli nerveux permanents, du flux de personnes, de marchandises, d’images à la fois fortes et dissociées. Les images de la misère, par exemple, nous laissent démunis. Et en même temps, nous en arrivons à une attitude blasée. C’est un moyen de défense dans les situations où l’on est soumis à un « bombardement » d’impressions éprouvantes. L’homme médiatique d’aujourd’hui est en permanence confronté à des images d’horreur, de violence. Du coup, il développe des capacités de mise à distance. Sinon la vie serait insupportable. Dans les jours qui viennent, nous allons retrouver cette capacité de mise à distance.
Comment ?
Par la parole, le récit. Nous allons nous raconter les choses, continuer à en parler ensemble. C’est important. Plus on nomme, plus on crée une distance intellectuelle, on transforme en récit ce qui était ressenti de façon déstabilisante et indéfinie. C’est ainsi que l’on peut passer de l’angoisse à la peur. Ce passage-là est une première mise à distance.
Pourtant, nos façons de vivre sont bel et bien remises en cause…
Avons-nous basculé dans quelque chose de nouveau ?
Ces attaques terroristes ne sont pas un moment douloureux qu’une manifestation d’union sacrée permettra de panser. La parole présidentielle est à prendre à la lettre, accompagnée de la déclaration de l’état d’urgence, elle institue une nouvelle réalité, dans laquelle se reconfigure le rapport que le public entretient avec le danger. Nous passons d’une situation dans laquelle des attaques terroristes étaient probables, un risque à peu près mesurable, à une situation dans laquelle elles deviennent certaines, une menace qui échappe aux probabilités. C’est cela la guerre : le passage du risque à la menace, les actes terroristes ne sont plus exceptionnels, ils deviennent une dimension constitutive de la réalité ordinaire. On passe du plan Vigipirate à l’état d’urgence. Si de nouveaux actes terroristes graves surviennent, la hiérarchie des demandes sociales se renversera, et la demande sécuritaire s’intensifiera et s’insérera dans la question centrale qui sera de savoir comment gagner la guerre. L’enjeu politique déterminant consiste à prendre les mesures qui nous feront repasser de la menace au risque.
Qu’est-ce qui peut alimenter la détermination à résister ?
L’idée de cet art de vivre qui nous fait tenir ensemble est à prendre très au sérieux, car elle peut susciter de la résistance et du lien. Se prendre en photo à la terrasse des cafés et le poster sur Twitter, c’est un symbole de liberté, d’attachement à cette insouciance, face à un islamisme radical qui a compris que s’en prendre aux modes de vie est un levier de déstabilisation. On a vu sur les réseaux sociaux tous ces gens qui ont ouvert leur porte à d’autres qui ne savaient plus où aller… Le jour même des attentats ! Et ceux qui se sont précipités pour donner leur sang. Ce sont des gestes qui resserrent les liens, qui produisent des effets.