La bienveillance : un besoin.

La bienveillance, vue par Christophe André, dont je vous parle souvent dans mon blog….je partage avec vous des extraits d’une interview du Monde (17/01/2016).

Le psychiatre et auteur de best-sellers sur l’art du bonheur revient sur son parcours et défend le besoin de bienveillance dont on a selon lui « un besoin biologique ».

La bienveillance est au coeur de la façon d’être et d’exercer son métier pour le psychiatre Christophe André qui a vendu plus de deux millions d’ouvrages visant à guider ses lecteurs sur le chemin du bonheur. Il a coécrit son dernier livre, Trois amis en quête de sagesse, avec le moine bouddhiste Matthieu Ricard et le philosophe Alexandre Jollien.

Je ne serais pas arrivé là si…

… je n’avais pas beaucoup travaillé pour être à la hauteur, en tant que médecin et en tant qu’humain. Pendant mes études, cela n’a pas été trop douloureux, j’ai toujours aimé apprendre. Mais sur le plan personnel, il y avait du boulot, vu toutes mes imperfections et limitations. Je suis un anxieux à tendance dépressive. J’ai compris en fac de médecine, en voyant mes propres symptômes décrits, que si je ne luttais pas pour aller mieux, j’allais pourrir ma vie et celle de mes proches. J’ai donc toujours testé sur moi les thérapies que je destinais à mes patients. Je tiens à cette cohérence.

Votre milieu d’origine a-t-il eu une influence sur votre vocation de psychiatre ?

Il n’y avait aucune aptitude au bonheur dans ma famille. Il est vrai qu’on ne peut se poser cette question que lorsqu’on s’est extrait du combat pour la survie et que l’on a pris suffisamment soin de soi pour ne plus être le jouet de ses fragilités. Ma mère, institutrice, était issue d’un milieu misérable, où l’on disputait sa nourriture aux rats. Mon père, qui était orphelin, avait été mousse dans la marine marchande avant de passe ses semaines sur la route comme représentant de commerce. Bien que nous fussions assez pauvres, je n’avais pas le sentiment de manquer. Mes parents me protégeaient. Mais ils étaient d’une grande fragilité. Assez tôt, je me suis construit avec ce contre-modèle : si un jour j’avais des enfants, il n’y aurait pas de tristesses, de colères, de sautes d’humeur. J’ai dû, et je dois encore, combattre ce passé. On ne se débarrasse pas des circuits cérébraux qui se sont mis en place très tôt, on apprend à les réguler. Si je n’ai pas le temps de faire ce qui m’équilibre, alors les angoisses, le désespoir, l’irritabilité reviennent. Comme chez nombre d’humains, ma vie aura été une lutte contre mes vulnérabilités.

Comment vous est venue l’idée de devenir médecin ?

Mes parents n’ont jamais refusé de m’acheter des livres, et l’école me plaisait. C’était moins triste qu’à la maison, les profs me valorisaient… En terminale, j’ai découvert Freud, j’ai lu d’un coup tout ce qui était accessible, découvert la psychologie, les émotions qu’on devait cacher à la maison. C’était décidé, je serais psychiatre comme Freud ! J’ai fait médecine à Toulouse, j’ai tout aimé à l’exception des stages aux côtés de psychiatres hospitaliers qui étaient pour la plupart psychanalystes lacaniens. Ils étaient froids avec les patients, ne répondaient pas aux questions. J’ai essayé de faire une analyse mais le silence m’exaspérait, les analystes me semblaient mal dans leur peau. J’ai songé à bifurquer, mais j’avais trop besoin de la psychiatrie pour moi-même. Surtout, j’ai rencontré mon maître, Lucien Millet, un psychiatre chaleureux, humaniste, attentif aux patients, les impliquant, eux et leur famille, dans la démarche thérapeutique. C’est dans sa clinique que j’ai appris le boulot.

Vous renoncez alors à une carrière hospitalière pour vous installer en libéral…

J’ai ouvert un très beau cabinet de centre ville, joué au docteur avec sa plaque en façade, au Don Juan avec sa voiture de sport décapotable. J’étais le jeune psy qui montait, débordé, hyperactif. Je m’étais formé aux approches comportementales, à contre-courant de la psychanalyse lacanienne. En m’attachant davantage aux symptômes des troubles émotionnels qu’à leurs causes, en aidant les patients à les affronter dans le réel et à les gérer, je me sentais utile. La belle vie. Jusqu’à ce que l’ami dont j’étais inséparable, mon complice intellectuel, se tue en moto devant moi, au Portugal. En courant à son secours, je me suis arrêté dix secondes pour regarder la plaie à la main du paysan qui lui avait coupé la route avec sa remorque. J’en culpabilise encore même si cela n’aurait rien changé. Cela a été une rupture dans ma vie. Je suis parti quinze jours en retraite dans un monastère bénédictin parce que mes patients schizophrènes m’avaient dit que ça leur faisait du bien. Moi aussi, le contemplatif, l’introverti, le lent, cela m’a apaisé. J’étais prêt à quitter Toulouse, la vie facile, le célibat.

La bienveillance passe par la méditation.

Pourquoi vous être emparé de la méditation pour soigner ?

J’ai commencé à travailler à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, en 1992, comme « comportementaliste » expérimenté. J’étais l’hurluberlu qui faisait changer ses patients phobiques sociaux dans le métro, qui enfermait les claustrophobes dans les toilettes. Au début des années 2000, après avoir lu des publications scientifiques sur la méditation de pleine conscience laïque, après m’être formé, avoir rencontré Matthieu Ricard, j’ai eu le sentiment, comme avec Freud, de tenir là quelque chose de fondamental. Qui allait changer ma vie et celle de mes patients. La méditation de pleine conscience apprend à poser son attention sur l’instant présent, sur ce que la vie offre d’agréable. Elle nous aide à repérer les moments de rumination où nous quittons le réel pour nous embarquer dans des souffrances liées au virtuel, donc sans limite. Mais elle est bien plus qu’une thérapie : un changement de regard sur le monde. A la maison, d’un coup, ma femme m’a vu regarder le plafond le soir dans le lit, l’air tellement content que c’en était troublant.

Alors B comme….

bienveillance

BIENVEILLANCE !!!!

Plus loin dans l’interview, il évoque le fait que :

Les gens qui viennent à nous souffrent, ils ont peur qu’on ne puisse pas les aider. Ils doivent instantanément percevoir une bienveillance. Nous avons un besoin biologique de gentillesse. Elle fait du bien à notre corps, le détend, là où l’indifférence ou l’hostilité le crispent. C’est un signe fort.

La bienveillance, c’est aussi de soi envers soi-même…..

Parfois, commencer une thérapie, c’est avant tout s’accorder, via le regard du thérapeute, enfin de la bienveillance à soi-même……